Le mobile money : L'avers et l'envers d'un service hybride en vogue au Congo
Milie Theodora Miere Pelage  1@  , Privat Tiburce Massanga  2@  
1 : LAREQUOI / Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines
Universé Versailles Saint-Quentin en Yvelines
2 : LAREQUOI
Universté de Versailles Saint-Quentin en Yvelines

Contexte :

Le Congo est un pays de près de 5 millions d'habitants et il n'y a que 13% de bancarisés. La majeure partie (87%) de cette population nationale est exclue du système des banques classiques. Par ailleurs, le Congo accuse de grandes faiblesses en termes de couverture d'internet avec à peine trois zones desservies par la fibre optique. Cette conjugaison d'insuffisances bancaires et technologiques semble avoir constitué le terreau et la force d'envol du Mobile Money dans ce pays. Ce marché compte 4,67 millions d'abonnés actifs et a réalisé, dans une situation nationale de crise économique, un chiffre de 770,8 millions de FCFA (soit environ 1 175 000 d'Euros) au mois de mars 2019 d'après l'ARPCE[1]. Face aux problèmes de maillage du réseau internet à travers le pays et aux conditions et lourdeurs administratives inhérentes à l'ouverture et à la gestion des comptes dans les banques classiques au Congo, la téléphonie mobile a révolutionné l'écosystème financier grâce au Mobile Money. Le Mobile money, autrement appelé MoMo, est une forme de portefeuille électronique qui fait florès dans les pays d'Afrique subsaharienne depuis que le MPSA a été lancé au Kenya par Safaricom en 2007 et a modélisé une nouvelle forme des transactions financières en Afrique. C'est un dispositif qui permet à son utilisateur, à partir de son téléphone mobile, de recevoir et d'envoyer de l'argent, de payer ses factures d'eau, d'électricité ou de se réabonner à un bouquet de chaines de télévisions. Au Congo, cette autre activité des entreprises de téléphonie mobile a été lancée en 2012. Beaucoup d'années se sont écoulées avant qu'elle ne vienne véritablement concurrencer certaines institutions de microfinance. Au départ simple service de transfert d'argent, de paiement de facture ou d'achat de crédit, le Momo au Congo s'est davantage métamorphosé et particularisé avec l'entrée dans son champs de nouveaux produits ou services: On peut citer : Le MoMo comme moyen de paiement des salaires par certaines entreprises de très petite taille ; moyen de paiement de certains produits en ligne (sur de petites plateformes de e-Commerce existant grâce à l'écosystème de Whatsapp ou Facebook et animées par des start-up ou des auto-employeurs) et comme moyen d'épargne.

Est-il possible de parler des usages spécifiques des TIC en Afrique francophone? Un regard scrutateur sur les dix dernières années et sur les pratiques relatives à ces technologies permet de répondre par l'affirmatif. Si l'on s'en tient par exemple à cette assertion d'Éric Pasquati (2010) qui souligne que : « Les aspects socioculturels spécifiques des communautés concernées seraient donc plus déterminants pour l'appropriation des TIC que les aspects techniques des technologies appliquées [2]». C'est le cas du Mobile Money en Afrique en général et au Congo en particulier. Comment et pourquoi, de la fonction strictement communicationnelle, la téléphonie mobile est devenue une plateforme de transaction financière ? L'objectif de cette recherche est de montrer les usages spécifiques de la téléphonie mobile dans un contexte particulier d'usage qui permettent de faire apparaître de nouveaux services financiers ou commerciaux qui vont accompagner les bouleversements engendrés dans le paysage socio-économique. 

Ce travail s'inscrit dans la sociologie des usages. Florence Millerand expose une première distinction entre les notions d'usage et de pratique : « l'usage est [...] plus restrictif et renvoie à la simple utilisation tandis que la pratique est une notion plus élaborée qui recouvre non seulement l'emploi des techniques (l'usage) mais les comportements, les attitudes et les représentations des individus qui se rapportent directement ou indirectement à l'outil »[3]. L'usage social des moyens de communication (médias de masse, nouvelles technologies) repose toujours sur une forme d'appropriation, l'usager construisant ses usages selon ses sources d'intérêts. Mais la polyvalence des TIC se prête davantage à des applications multiformes (ludiques, professionnelles, fonctionnelles). Serge Proulx décrit ce concept comme « le processus d'intériorisation progressive de compétences techniques et cognitives à l'œuvre chez les individus et les groupes qui manient quotidiennement ces technologies » (Proulx, 2008). Alain Kiyindou (2014) quand il argue que « Les technologies ne peuvent être comprises qu'en les replaçant dans une dynamique sociale, culturelle, économique, politique et stratégique. Nous considérons la technologie non pas seulement comme un entrelacement de matériau (vis, chaîne, barres, boîtier...), mais surtout comme un ensemble liant des hommes et des outils dans un cadre socioéconomique donné». Ce travail s'inscrit également dans la suite des travaux sur l'usage des TIC en Afrique qui ont démontré en même temps de l'ingéniosité et d'inventivité des usagers (Cheneau-Loquay, Alzouma, Kiyindou, Miere) et de la mise en place de produits et services par des opérateurs de téléphonie mobile pour s'adapter aux spécificités locales.

Méthodologie : Nous nous inscrivons dans une recherche de type qualitatif, avec une approche interprétativiste. Notre terrain étant le Congo Brazzaville, les méthodes de collecte de données sont aussi bien des entretiens semi-directifs en face à face, une enquête en ligne, l'analyse des documents et l'observation non participante.

[3] Florence Millerand, Usages des NTIC: les approches de la diffusion, de l'innovation et de l'appropriation, Université de Montréal, 1999, sur http://commposite.org/v1/99.1/article s/ntic_2. html consulté le 20/09/2014.


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